Le parfum confiné
Cet article fut rédigé juste après le déconfinement en France
Le parfum est un cadeau. Principalement pour soi, mais n’ayons pas peur de l’écrire pour les autres aussi, parfois. Quoi qu’il en soit, il existe pour être senti. La nature elle-même l’a bien compris. Avant de flatter notre nez, l’odeur des fleurs est avant tout un moyen d’attirer les insectes butineurs. Alors, qu’advient-il si l’on coupe à la racine ce langage invisible ? Le confinement est-il synonyme d’abandon pour les parfums ? Rétrospective à chaud sur une période gelée.
Les maladies, épidémies et pandémies ne font pas bon ménage avec les fragrances, c’est un fait. Relégué au rang de besoin secondaire voir tertiaire, les odeurs comme beaucoup d’autres choses peuvent sembler bien futiles lorsque la vie de chacun est en jeu. Pourtant, dans la crise que nous traversons, l’odorat joue malgré lui un rôle significatif et la perte de ce dernier peut être un précieux révélateur. En effet, l’OMS a reconnu l’anosmie comme un symptôme indicateur de la COVID-19.
Les mœurs évoluent sans forcément changer les réactions en temps de crise. Dans l’histoire des fléaux, le confinement a souvent été une réponse face à la contagion. Ainsi on voit notre quotidien bouleversé. Télétravail pour certains, règles sanitaires drastiques sur les lieux de travail pour d’autres et surtout règles de distanciations pour tout le monde, personne n’est épargné. De ces situations exceptionnelles naissent, et vous me pardonnerez l’oxymore, des routines exceptionnelles. Plus d’un français sur trois avoue ne plus procéder à une toilette complète et quotidienne. Alors si les Français ne se lavent plus à la même fréquence vous imaginez facilement l’impact du confinement sur le parfum. Le secteur est en difficulté.
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Face à cette crise, les grands groupes de l’industrie se sont diversifiés. LVMH, GIVAUDAN ou encore FIRMENICH ouvrirent des lignes de production de gel hydroalcoolique dans leurs usines pour combler les pénuries. Sur le plan économique, les marques furent obligées de faire preuve d’ingéniosité et de proposer du contenu DIY* sur leurs réseaux sociaux afin de conserver une voix durant ces temps sombres. L’industrie se réinvente peu à peu.
Ailleurs, le parfum prit une autre dimension. Tandis que certains le considéraient comme inutile ou symbole de « la vie d’avant », d’autres l’acceptaient comme une salvation. Ainsi, en Égypte et en Turquie, pour faire face à la pénurie de gel hydroalcoolique, les gens se tournèrent vers l’eau de cologne, composée alors à plus de 70 % d’alcool, pour se nettoyer les mains. Cette solution de substitution fut même encouragée par les gouvernements de ces pays; un heureux hasard lorsque l’on sait qu’en Turquie l’eau de cologne rime avec hospitalité et hygiène.
Enfin dans cette situation le fait que le parfum retrouve une place centrale dans différentes cultures, il est parfois possible qu’on lui accorde plus de valeurs thérapeutiques qu’il n’en possède réellement. Confère « le parfum du prophète » en Iran.
En conclusion, le parfum n’est peut être pas un symbole de la vie d’avant ou un remède contre le coronavirus. Mais il est un moyen qui nous relie les uns aux autres dans une période où l’on nous demande au contraire de nous écarter. Et si nous devions retenir qu’une seule phrase ce serait : le parfum ne guérit pas toujours des maux, mais il soigne le reste.