Guide de la parfumerie #5 - L’importance de la synthèse
Pouvions-nous faire titre plus engagé ? Difficile à dire mais il est vrai que nous aurions pu être impartiaux et titrer « La synthèse en parfumerie » ou encore « Synthèse et parfum ». Malheureusement ces deux phrases manquaient d’un sérieux parti pris. Or un tel sujet incombe une position franche et sans concession tant il divise, déchire, passionne l’industrie moderne des cosmétiques. Pourquoi de plus en plus d’entreprises prônent-elles le 100 % naturel dans leurs parfums ? La synthèse est-elle vraiment l’ennemie comme on peut l’entendre aujourd’hui dans certains discours ? Pouvons-nous vraiment envisager une parfumerie sans synthèse ? Face à ces questions, chez violet nous avons notre petite idée, laissez-nous vous en convaincre.
La synthèse a révolutionné la parfumerie moderne.
C’est un fait, une évidence, un axiome même. Sans la synthèse appliquée aux parfums nous serions encore aujourd’hui réduits à porter des parfums de la famille du vinaigre des quatre voleurs et comme son nom l’indique, son odeur ressemble à s’y méprendre à celle d’une vinaigrette.
Que ce soit l’utilisation de la coumarine dès 1889 dans le Jicky de Guerlain, ou le célébrissime Chanel N° 5 et son bouquet aldéhydé, la synthèse a réinventé la parfumerie et ce dès 1850. Vous nous direz alors qu’il faut aller de l’avant et ne pas se servir du passé comme seule référence mais il faut alors préciser que ces mêmes parfums, vieux de plus de cent ans continuent aujourd’hui d’inspirer la plupart des créations modernes.
Le parfumeur a découvert un nouveau monde.
Plusieurs milliers de nouvelles matières premières ont été ajoutées au fil du temps à la palette du parfumeur. De quoi lui donner le tournis surtout lorsque l’on sait qu’il était réduit auparavant à composer avec quelques centaines de notes. La synthèse a permis de facto de booster sa créativité. Il a pu ainsi être libre, imaginatif, subjectif même, et créer des odeurs qui ne ressemblaient en rien à la nature. Nous irons plus loin en disant que la synthèse a élevé le parfumeur au rang d’artiste et lui a permis de proposer des parfums s’écartant complètement des schémas traditionels.
La synthèse a des bienfaits dont certains écologiques.
Attention, une phrase à ne pas mettre entre toutes les mains mais la production de matières premières naturelles peut s’avérer être source de conflits. Surproduction, défrichement, appauvrissement des sols et des ressources, destruction des écosystèmes, pollution agricole, extrême précarité des exploitants, marchés parallèles, les formes de violences sont nombreuses et malheureusement trop souvent présentes. Même si l'agriculture est vitale et protège pléthore d'acteurs, la synthèse, permet dans de nombreux cas, d’alléger les attentes toujours grandissantes du marché mondial et diminuer la pression sur les petites exploitations, les premières victimes des injustices. De plus la synthèse de matière première d’origine animale permet d’éviter l’exploitation de ces derniers. Civette, castoréum, chevrotin porte musc, autant de molécules qui proviennent aujourd’hui de laboratoire et non de la nature.
L’idée largement véhiculée prônant les bienfaits du naturel et qu’il serait bien moins dangereux que la synthèse a déjà été traité dans l’article sur le BIO en parfumerie, lien ci-joint. Attention spoiler : il va sans dire que rien n’est moins vrai.
Cependant, il serait erroné de penser que la synthèse n’a que du bon. Aujourd’hui lorsque l’on sait que le synthétique représente, selon diverses sources, entre 50 % et 90 % de la formulation en général, on peut légitimement se poser des questions. Avons-nous trop conquis le continent artificiel ?
La synthèse est là pour soutenir le naturel
Le naturel reste indéniablement l’âme du parfum. Il apporte cette dimension riche et généreuse qu’aucune formule 100 % synthétique ne pourrait se targuer d’avoir. Une profondeur que seule une rose et ses centaines de composés chimiques peuvent offrir. Une force que seul le jasmin et ses mille facettes peuvent donner et la synthèse est, au mieux, avant tout présente pour sublimer la nature.
Nous avons besoin de la synthèse en parfumerie. Que ce soit pour des questions de créativité, de stabilité, de coût ou encore de disponibilité des volumes, il est aujourd’hui impossible de s’en passer. Chez Violet nous avons fait le choix de prendre ce qu’il y a de mieux dans les deux familles. Proposer ainsi des parfums aussi riches que créatifs.
Mais pour imaginer un monde meilleur, il est nécessaire d’apporter de l’éthique dans les formules. Différencier la pétrochimie de la chimie verte, du substitut au similaire et se libérer pour de bon de la synthèse polluante, avide de gaz, de pétrole et autres énergies fossiles. Nous ne pouvons être, pour le bien de la parfumerie, partisan de la mort de la synthèse, juste de son évolution en chimie verte. Car s’en débarrasser complètement ne serait pas une évolution mais au contraire une régression. Car pour nous, entre le naturel et la synthèse, l’alchimie est grande.